La petite vieille du premier...

J'avais rencontré à plusieurs reprises la petite vieille du troisième, celle qui sort son chat chaque matin, chat qui sait prendre l'ascenseur, avec moi ou avec un autre voisin... Elle me plait bien cette petite vieille. Depuis deux semaines, je croise une autre petite vieille, celle du premier étage. Certes moins vieille que la première mais comment l'appeler alors ? Je ne vais tout de même pas dire "demi-vieille" comme pour la mimolette ça pourrait semblait irrespectueux. Donc hier soir je vais chercher mon courrier attendant avec impatience de recevoir mon offre de prêt de ma banque. Je croise la petite vieille du premier, elle me salue, je fais de même. Je pioche dans les piles de prospectus ce dont j'ai besoin, tout comme elle. Je me dirige ensuite vers l'ascenseur, mes courriers, mon colis au contenu mystérieux, et ma pub sous le menton et j'attend, plus qu'à l'habitude. Une bande de cruches semble s'être coincée quelques étages plus haut. Je l'entends s'approcher au loin de moi, le bruit est incontestable, ce bruit de semelle synthétique sur ce carrelage seventies, un bruit confirmé par un rapide coup d'oeil sur des vêtements éternellement pastels chaque jour. Mon impression confirmée et ma peur d'avoir un tueur en série (ou mon concierge pour me réprimander sur ma façon de me garer) dans le dos écartée, je me retourne de nouveau vers l'ascenseur. Et qu'est ce que j'entend ? Un truc immonde, un bruit que nous qualifierons de "naturel", assez long et saccadé, du genre de ceux que l'on cache et que l'on toussotte en même temps. J'hallucine. J'entend juste après bien distinctement "C'est de pire en pire !", comme si on se justifiait pour le bruit. C'était la petite vieille du premier, je fais comme si je n'avais rien entendu car elle s'approche de plus en plus, elle est sur mes talons, à attendre derrière mon dos, en pastel, prêt à exploser ! L'ascenseur n'a jamais été aussi long à venir. J'hésite à prendre l'escalier mais mon colis est trop embarrassant, comme la situation. Soudain, il arrive enfin, me voilà au pied du mur : je dois prendre l'ascenseur avec la petite vieille du premier, gaz ou pas. Je prend une grande respiration, je me cache derrière mon carton et espère que cette courte promiscuité coïncidera avec une alcamie de son système digestif. Je dois être chanceux, rien ne se passera et je rentrerai chez moi entier. Maintenant je le saurais, la petite vieille du premier a des gaz, celle du troisième un chat. Je préfére le chat.